Bivouac de Liège (Belgique), 5 mars 2011

Naître ou ne pas naître

Rencontre modérée par Benoît Vreux, directeur du CAS (Centre des Arts scéniques) à Liège, avec Lorette Goosse, Pedro Eiras, Frédéric Sonntag, Stéphane Olivier, Catherine Daele, Alex Lorette, Dorothée Schoonooghe

Transcription et synthèse : Antoine Laubin

Frédéric Sonntag

"Je mets en scène mes propres textes. Le temps entre l'écriture et le plateau est donc court. Généralement, je réunis les acteurs avec lesquels je travaille et on lit le texte durant deux jours. Ça devrait être jubilatoire mais c'est très frustrant parce que je ne suis jamais au même endroit que les acteurs. C'est un décalage intéressant. Ensuite, la deuxième phase, ce sont les comités de lectures. C'est encore plus compliqué, on attend très longtemps pour avoir deux phrases dont on ne sait pas quoi faire. Des gens peuvent détester ton texte et te conforter dans ta démarche ou l'aimer pour de très mauvaises raisons. Il est important de savoir d'où parlent les gens. Les bons lecteurs de théâtre sont rares."

Pedro Eiras

"Le plus souvent, je me sens seul, lent, irrégulier. Je ne suis pas un homme de théâtre, j'enseigne le Portugais à l'université de Porto. Le théâtre constitue mes vacances. « Une forte odeur de pomme » a été préparé mentalement durant douze ans. Je me répétais « je ne vais pas écrire ça, c'est idiot ». Puis, à un moment où j'étais débordé de travail, c'est venu en deux soirées. L'écriture était retranscription de ce qui était en moi. Ensuite il a fallu deux à trois ans pour le corriger. Le texte n'a pas été monté au Portugal mais au Brésil et a été publié en français. La « Lettre à Cassandre » a été écrite en deux jours à la suite des révélations de la torture des Irakiens par l'armée américaine. Mon écriture est très rapide, réactive, puis la réécriture est très lente et angoissante. Sandra, ma femme, est toujours ma première lectrice. Dès que je mets le dernier point, je la cherche et je lui donne. La commande me nourrit énormément. Il m'est arrivé aussi de participer à des résidences d'auteurs longues, avec beaucoup de discussions théoriques et ça n'a pas marché du tout, tout le monde a reconnu que c'était raté. Dans le théâtre nous ne sommes jamais sûrs de ce que nous faisons. Quand on écrit un texte, il s'agit de porter un mystère. Cela fait partie du processus théâtral. Ce qu'on doit faire consciemment et avec beaucoup d'honnêteté, c'est laisser arriver quelque chose qu'on ne maitrise pas, qu'on ne connait pas. Je sais que j'écris pour quelqu'un que je ne connais pas, qui n'est pas défini."

(...)


La suite de cette table ronde et le dialogue avec les spectateurs qui suivit sont retranscrits dans la publication « Corps de textes Europe - Liège, mars 2011 », ouvrage quadrilingue (français, anglais, portugais, bulgare), édité par le Théâtre de la Place (Les Cahiers du XX Août), février 2012.

Cette publication présente également un appendice bio-bibliographique détaillant les parcours et les œuvres de tous les intervenants.