Bivouac de Liège (Belgique), 4 mars 2011

L'exploration des mythes

Ce 4 mars 2011, la première table ronde « Corps de textes Europe » proposée à Liège est consacrée aux mythes. Soulignant la prédominance des mythes grecs, l'étiolement de notre connaissance de ceux-ci au cours des siècles et la lecture actuelle influencée par l'apport psychanalytique, la modératrice Silvia Berrutti-Ronelt pose aux auteurs présents la question suivante : « Pourquoi revenir aux mythes ? Que vous apportent-ils ? Comment influencent-ils votre écriture ? ».


Table ronde modérée par Silvia Berutti-Ronelt, traductrice et responsable de TRAMES, avec Pedro Eiras, Pierre Megos, Pietro Varrasso, Mickael de Oliveira et Frédéric Sonntag.

Transcription et synthèse : Antoine Laubin

Mickael de Oliveira

"Le mythe est une béquille quand on n'a pas d'idée. Le travail de la fable m'intéresse peu et le mythe est un support immédiat, connu de tous. À un second niveau, l'intérêt réside dans le jeu possible avec cette matière. Par exemple, mon Agamemnon est tué par son fils : on saute de manière abrupte dans le mythe d'Œdipe. J'ai souvent envie de quitter les références directes, d'enlever les noms des personnages célèbres et de ne garder qu'une petite idée lointaine du mythe évoqué. J'aime cet éloignement. Je recherche quelque chose de plus neutre, de moins précis géographiquement."

Pedro Eiras

"Dans « Lettre à Cassandre », le titre est le seul lieu du texte où la référence au mythe est faite. Je crois que nous incarnons tous plusieurs mythes chaque jour, même sans en avoir conscience et sans connaître ces mythes. Les mythes sont des histoires toutes prêtes à être incarnées. Nous ne sommes pas nous-mêmes, nous choisissons très peu, le mythe nous possède et décide à notre place. Je ne peux pas faire autrement qu'y revenir sans cesse : les mythes me possèdent et j'y réagis ; ils ne sont pas lointains mais proches. S'ils disparaissaient vraiment, nous ne pourrions en parler. Dans les conversations de la rue, de nouveaux mythes se font entendre, les mythes urbains par exemple. Si nous sommes nous-mêmes responsables de nouveaux mythes, ça signifie que nous devrions revendiquer ce rôle de créateur et de destructeur de mythes. Quand Brecht écrit « Sainte Jeanne des Abattoirs », le titre nous parle d'une sainte, et ce titre n'est pas choisi par Brecht de manière innocente. Une héroïne n'est pas nécessairement une sainte... Tout renverser, mettre le mythe à l'envers m'intéresse également."

Frédéric Sonntag

"En tant que spectateur, je suis assez réfractaire aux mythes dans la manière qu'a le théâtre contemporain de s'en emparer. Peut-être est-ce parce que j'ai fait des études de lettres classiques. Je comprends mal qu'on reprenne des canevas mythiques dans le théâtre contemporain. J'ai donc évacué cela de mon écriture. La manière dont la mythologie au sens large agit dans le quotidien m'inspire davantage, la mythologie hollywoodienne ou le conte par exemples. Je m'en empare pour prolonger le mythe. Savoir comment nous produisons de la fiction et comment cette fiction nous conditionne m'intéresse et me mobilise. Comment finalement nous produisons des mythes aujourd'hui."

(...)


La suite de cette table ronde et le dialogue avec les spectateurs qui suivit sont retranscrits dans la publication « Corps de textes Europe - Liège, mars 2011 », ouvrage quadrilingue (français, anglais, portugais, bulgare), édité par le Théâtre de la Place (Les Cahiers du XX Août), février 2012.

Cette publication présente également un appendice bio-bibliographique détaillant les parcours et les œuvres de tous les intervenants.