Témoignage d’un auteur

Frédéric Sonntag


Frédéric Sonntag

Comment êtes-vous arrivé à Corps de Textes ?

"Le premier contact s’est fait par l’intermédiaire de la Scène Nationale d’Alençon, qui avait programmé un de mes textes pour la saison 2009/2010 et qui m’a introduit auprès du réseau Corps de Textes. Mes textes ont ensuite circulé, notamment au Portugal, en Belgique et en Bulgarie. Pour un auteur, confronter son travail d'écriture aux traditions théatrales étrangères pose toujours des questions intéressantes. En Bulgarie par exemple, où l'exercice de la mise en lecture n’est pas courant, les acteurs « jouent » très rapidement et mettent en scène de manière très physique. Alors que les Français intellectualisent davantage."

Le format de la mise en lecture est-il adapté à la circulation des textes ?

"Ce n’est peut-être pas le format idéal, car le public n’est pas facile à attirer pour ce genre d’exercice, mais on en a pas trouvé d'autres... L’intérêt est autant dans la lecture que dans la rencontre avec le metteur en scène et les acteurs. Le fait d’aller dans le pays, de voir les gens, de comprendre comment cela passe, même si cela ne dure que quatre jours et qu’il y a des ratés, cela permet d’avancer."

En quoi le dispositif de Corps de Textes est-il différent des autres ?

"D’abord parce qu’il propose une circulation « transversale » des textes, qui permet d'être en contact direct avec des metteurs en scène et des responsables de structures. Cela évite le parcours pyramidal du texte, où il doit être repéré dans son pays d’origine par un organisme donné avant d’être transmis à un autre organisme à l’étranger pour être joué. La circulation est plus rapide, plus simple, moins bureaucratique. Et puis c’est un processus qui rebondit : il m’a donné envie de devenir un « passeur » de textes. Quand je vais à l'étranger, je suis à l’écoute, je demande quels sont les auteurs intéressants, je réfléchis aux metteurs en scène ou aux lieux qui pourraient être intéressés. Corps de Textes insuffle une dynamique et fournit des contacts enrichissants, quelle que soit la manière dont se passent les lectures. Cela permet aussi de relativiser les choses, d’avoir des aperçus sur des débouchés hors de France."

Y a-t-il un prisme national de l’écriture dramaturgique contemporaine ?

"Je ne pense pas qu’il y ait des écritures nationales, même si certaines formes de récit passent mieux dans certains pays. Le récit poétique en théatre, par exemple, est mieux accueilli en France, où il y a une forte tradition du rapport à la langue, que dans d'autres pays. Mais je crois qu’un auteur français peut avoir plus de points communs avec un auteur portugais qu'avec d'autres auteurs français. Les différentes rencontres de Corps de Textes ont aussi montré qu’elles étaient plus liées à la personnalité des organisateurs, au contexte économique ou à la taille des structures organisatrices qu’aux nationalités."

Est-ce à dire que le marché de l’écriture contemporaine est en train de se globaliser ?

"Il ne peut pas y avoir de globalisation de l'écriture. Mais je dois admettre qu’aujourd’hui, après avoir écrit un texte, je me pose la question de son potentiel hors de France. Du coup, je me censure peut-être moins en me disant inconsciemment que s’il ne passe pas en France, il passera peut-être ailleurs... Il est clair qu’il y a une logique de l'européanisation du théatre contemporain : le marché est limité et tout élargissement est bienvenu."

Qu’apporte Corps de Textes dans cette dynamique ?

"Corps de Textes a l’avantage d'être une structure permanente, qui permet de fonctionner dans la durée et de rebondir d'une manifestation à l'autre. Il existe beaucoup de rencontres ponctuelles, mais les relations sont distendues. La continuité est importante pour la circulation des textes : le processus peut être long et ne marche pas forcément du premier coup. Il arrive qu’un texte a priori délaissé réapparaisse quelques années plus tard dans un autre pays. Les parcours sont différents, mais il faut entretenir un bouillon de culture pour les faire vivre... "